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Qatar : "Le Club Med des terroristes" par Andrew Gillingan Infos internationales

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Commentaire de la rédaction AIL

L'étau se resserre sur le minuscule émirat du golfe persique.

Alors que nous avons appris le 26 septembre dernier, par une enquête du Trésor américain, qu'un chef important de l'Etat islamique avait probablement levé deux millions de dollar auprès d'un donateur au Qatar, Andrew Gillingam, journaliste britannique au Daily Telegraph a publié une nouvelle tribune samedi dernier, retranscrite ci-dessous, à propos des accointances douteuses entretenues par l'émirat du Qatar avec la nouvelle franchise terroriste qu'est l'Etat islamique.

Ces faits viennent s'ajouter à la dernière déclaration du général US Martin E. Dempsey au Capitole à Washington. En réponse au sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, M. Dempsey témoigna qu'il connaissait "des alliés Arabes majeurs qui financent l’État islamique".

Le caractère nécessairement secret et volontairement dissimulé de ce type d'opérations criminelles ne permettent pas de disposer de preuves directes à l'encontre du Qatar. Mais il est parfois des faisceaux d'indices permettant dans leur globalité de constituer une preuve que la raison ne saurait mettre de côté.

 

 

 

Par Andrew Gillingan.

Source : Daily Telegraph

 

Alors que le Royaume-Uni va intervenir en Irak, Alastair Campbell, le grand patron de la communication de la précédente guerre en Irak (et ancien directeur de la communication de Tony Blair), s'est trouvé un nouveau travail. Lui et son fils Rory écrivent pour un blog sur le football, The Pressing Game, qui se vante d'être "vraiment indépendant" mais qui passe la plus grande partie de son temps à réfuter les critiques concernant l'organisation par le Qatar de la prochaine Coupe du monde de football.

Malheureusement, comme Channel 4 l'a révélé le 26 septembre, The Pressing Game est en fait financé en secret par des lobbys qui travaillent pour le gouvernement qatari. Ce n'est pas la première fois que le tout petit royaume du Golf fait preuve d'un tel manque de transparence.

La semaine dernière par exemple, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, émir du Qatar, a donné sa première interview depuis son accession au trône en 2013. "Nous ne finançons pas les extrémistes, a-t-il déclaré sur CNN. "Si vous voulez parler de certains groupes, notamment en Syrie et en Irak, sachez que nous les considérons tous comme des mouvements terroristes." Le Qatar, qui accueille une importante base aérienne américaine, a d'ailleurs rejoint la coalition internationale contre l'Etat islamique (EI).

La vérité est que, sans les financements importants que l'EI a reçus de certains individus au Qatar, il n'y aurait pas eu de guerre. Au Royaume-Uni, Djihad John, l'homme avec un fort accent britannique présent sur les trois vidéos où sont assassinés les otages, incarne désormais aux yeux de l'opinion publique britannique la menace de l'EI.

La semaine dernière, alors même que l'émir du Qatar jurait que le pays n'avait jamais financé l'EI, le Trésor américain a apporté la première preuve que l'argent du Qatar avait bien permis à Djihad John et à d'autres britanniques de rejoindre la Syrie.

Dans ce document est révélé l'identité d'un terroriste du nom de Tariq Al-Harzi, se décrivant comme "l'émir pour la région frontalière entre la Syrie et la Turquie, chargé par l'EI d'accueillir les nouveaux combattants étrangers et de les équiper d'armes avant de les envoyer en Syrie".

Il était d'ailleurs "responsable des combattants étrangers venus du Royaume-Uni".

En septembre, selon le Trésor américain, Tariq  Al-Harzi "a permis à l'EI de recevoir 2 millions de dollars d'un intermédiaire financier de l'EI basé au Qatar, à condition que cet argent soit affecté uniquement à des opérations militaires. L'intermédiaire financier basé au Qatar avait également recruté Al-Harzi pour lever des fonds au Qatar."

Doha répondra qu'il s'agit d'individus privés et non du gouvernement. Mais tout Etat, et encore plus une autocratie du Golfe, a les moyens d'empêcher ce genre de chose, à condition de le vouloir.

Or, à en croire les derniers rapports sur le terrorisme du département d'Etat américain, la vigilance du Qatar à ce sujet est "inexistante". Certes, il existe des lois réprimant le blanchiment d'argent et le financement des organisations terroristes mais leur application est "aléatoire" et marquée par de "graves dysfonctionnements".

Par ailleurs, les preuves des liens du gouvernement qatari avec les extrémistes (dont certains ont réussi à lever des fonds alloués par la suite à l'EI) sont irréfutables. "Entre huit et douze personnalités éminentes au Qatar ont récolté des millions de dollars pour les djihadistes, a déclaré un diplomate occidental local. Et ils ne faisaient guère d'efforts pour s'en cacher."

La plupart de ces personnalités récoltaient au départ de l'argent pour le Front Al-Nosra, une filiale d'Al-Qaida en Syrie. L'argent a coulé à flots l'année dernière quand Al-Nosra et l'EI ont officiellement fusionné et mis en commun leurs combattants et leur matériel. Mais ce partenariat fut de courte durée et a pris fin en début d'année. Une partie du financement et des armes envoyés par le Qatar à Al-Nosra entre avril 2013 et févier 2014 est alors retombée dans les mains de l'EI.

En décembre 2013, le gouvernement américain a ajouté un homme du nom de Abd Al-Rahman ben Umayr Al-Nuaymi à sa liste de terroristes officiellement recherchés par ses services. Selon des sources officielles, Nuaymi aurait "ordonné le transfert de près de 600 000 dollars à Al-Qaida par l'intermédiaire des représentants du groupe terroriste en Syrie".

Nuaymi était encore récemment conseiller pour le gouvernement du Qatar et membre fondateur d'une grande organisation caritative liée à la famille royale, la Fondation caritative du cheik Eid ben Mohammed Al-Thani. Depuis 2012, un homme répondant au nom de Hajjaj Al-Ajmi, qui vit au Koweit, vient également régulièrement au Qatar.

Sur des vidéos en ligne, on peut voir Ajmi déclarer devant un public qatari que l'aide humanitaire en Syrie est "importante" mais que la priorité est de soutenir les djihadistes et de les armer... Donnez votre argent à ceux qui vont le dépenser pour la guerre sainte plutôt que dans l'humanitaire."

Il y a aussi Mohammed Al-Arifi, imam aujourd'hui interdit de séjour au Royaume-Uni pour avoir formé deux jeunes gallois au djihad. Cet homme a été invité deux fois par le gouvernement qatari : en mars 2012 et en janvier de cette année.

Arifi est encore revenu au Qatar cet été, après son expulsion du Royaume-Uni, lors d'une fête du ramadan où étaient présents un grand nombre d'extrémistes. L'un des intervenants de cette fête était un autre homme interdit de séjour au Royaume-Uni, Wagdy Ghoneim, considèrant Oussama Ben Laden comme un "héros" et un "martyr" et a été enregistré en train de faire chanter à un public des chansons antisémites ayant comme refrain : "Non aux Juifs, descendants du singe !"

L'engagement du Qatar auprès des extrémistes est sans doute un moyen d'assurer ses arrières en Syrie. Le Qatar est un pays qui a toujours cherché à multiplier les alliances : des talibans à Israël, avec qui il était un temps le seul pays du Golfe à entretenir des relations commerciales. Le Qatar accueille le Hamas, les milices islamistes libyennes et les Frères musulmans de toute la région.

Mais pour Doha, ce numéro d'équilibriste est de plus en plus difficile à tenir.

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