Retenue à la source : l’esbroufe doublée d’un coup-fourré Economie

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Par Maurice Gendre

Le PS a donc décidé de faire feu de tout bois pour sauver les meubles en 2017 voire… pour l’emporter contre toute attente.
Les petits marquis de Solférino vont donc utiliser tous les moyens pour reconquérir un électorat pour le moment perdu. Les différents scrutins organisés depuis mai 2012 n’ont en effet eu de cesse de prouver la désaffection grandissante voire la détestation des Français pour François Hollande et ses comparses. Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu jugé « irréversible » par l’ineffable Michel Sapin, est une mesure qui s’affichera très vite pour ce qu’elle est : un véritable cadeau empoisonné pour les contribuables. Après le matraquage fiscal mis en place depuis 2012 (en fait déjà démarré sous Sarkozy), voici venu le temps de la démagogie fiscale.
Nombre de Français vivant une situation de plus en plus précaire accueilleront l’année blanche fiscale qui s’annonce pour 2017 (1), prélude à la mise en place de la retenue à la source en 2018, avec grand enthousiasme.
Mais il suffit de se pencher quelques instants sur les conséquences d’une telle réforme pour comprendre sa toxicité et sa dangerosité.
Regardons cela de plus près.

L’argument de la simplification tout d’abord est parfaitement discutable. Une déclaration annuelle devra toujours être faite. Ceux qui espèrent l’inverse en seront pour leur frais. En effet, toutes les réductions ou crédits d’impôts (transition énergétique, dons aux œuvres, cotisation syndicale, frais de garde d’enfants etc.), peuvent être très difficilement connus à l’avance. Idem pour un certain nombre de revenus : les revenus fonciers notamment.
Un autre problème majeur reste celui de la collecte elle-même. La fraude fiscale pourrait s’aggraver. Si la collecte est assurée par l’employeur, on peut craindre que des entreprises ne fassent de la rétention pour s’assurer de la trésorerie, comme certaines le font déjà avec la TVA. Une perte de recettes qui grèverait encore un peu plus les caisses de l’État. Et pour les entreprises qui joueraient le jeu, celles-ci se verraient dans l’obligation d’engager des dépenses supplémentaires liées aux frais de gestion du recouvrement de l’impôt sur le revenu.
Mais l’aspect le plus grave reste la menace d’une atteinte à la vie privée par la mise à disposition de l’employeur de données confidentielles concernant ses employés (situation de famille, revenus du conjoint, versement d’une pension alimentaire etc.). Les démarches intrusives au sein de la vie privée, la surveillance généralisée et le flicage de tous par tout le monde semblent décidément être les nouvelles marottes du gouvernement Valls (cf. la loi Renseignement).
Le secrétaire d’État au Budget Christian Eckert a souligné qu’à ce stade, il n’était «pas certain que (la retenue) se fasse par l’employeur». «D’autres pistes sont explorées», a-t-il dit, évoquant par exemple une perception par le «système bancaire, au moment du versement du salaire».
Cette « solution » si elle était retenue aurait l’avantage de protéger du regard trop curieux de l’employeur, mais offrirait en revanche une nouvelle mission (logiquement régalienne) aux banques, ce qui accentuerait encore un peu plus leur pouvoir. Pouvoir déjà démesuré. Or, en échange de cette nouvelle tâche, les établissements bancaires réclameraient probablement « une juste compensation » à l’État ou à leurs clients…
Moins important mais ennuyeux, il faut ajouter à tout ce qui a déjà été dit, l’absence de marge de manœuvre pour le contribuable : le paiement par tiers semble condamné avec ce nouveau système. Le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt ne serait pas réglé non plus puisque les variations du montant de l’impôt dépendent directement de critères qui ne peuvent être connus qu’au moment du dépôt de la déclaration annuelle (voir plus haut).

Hormis une mesure en apparence purement électoraliste (l’année blanche fiscale) que se cache-t-il donc réellement derrière cet empressement ?
Il est probable que derrière la retenue à la source se prépare un projet beaucoup plus inavouable: l’individualisation programmée de l’impôt sur le revenu et son corollaire la disparition du quotient. Choix politique qui n’aurait rien d’électoraliste pour le coup mais s’avérerait purement suicidaire. Suicidaire pour les solfériniens tout d’abord : ce qui serait une excellente chose.
Mais aussi suicidaire pour notre modèle social (ou ce qu’il en reste), ce qui serait beaucoup plus regrettable et inquiétant pour la France.

Maurice Gendre    

(1) Si le prélèvement à la source commence le 1er janvier 2018, alors 2017 sera une année «blanche», les revenus perçus cette année là n’étant pas taxés. Puisqu’en 2017, sous l’ancien système, le contribuable règlera son impôt sur le revenu de 2016. Et que l’année suivante, il sera imposé en temps réel sur ses revenus de 2018.

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