L’amalgame, plus que jamais toléré France

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Hier, j’étais au rassemblement qui a eu lieu à Toulouse, 18h, place du Capitole, en hommage aux journalistes assassinés du journal satirique Charlie Hebdo. Ma présence était à la fois dans un but professionnel et de recueillement. Dès mon arrivée, j’ai senti une drôle d’ambiance au milieu des regards peu chaleureux. Ma présence a vite tourné au cauchemar quand une dame me lance avec un ton franc et sévère :

« Il y a des gens qui puent parmi nous ».

Décidé de ne pas réagir aux provocations, auxquelles je m’attendais, je continue mon chemin en me faufilant au milieu de la foule immense de personnes venues rendre hommage à ces intellectuels froidement assassinés.
Toujours au milieu des regards haineux et d’autres témoignant d’un certain respect – tenant compte de ma situation et à travers elle, celle de tous les musulmans de France – je continue mon reportage en essayant de me montrer toujours impassible à certaines provocations et insultes à mon encontre. Quelques minutes plus tard, une jeune femme m’interpelle devant une dizaine de personnes en me lançant sur un ton moqueur :

« Putain ! Mais t’as pas honte ? ».

Je ne dis rien, mais j’échange des regards avec les gens autour, espérant qu’une personne digne prenne ma défense ou qu’elle contredise ma conclusion concernant la haine palpable que j’ai ressentie dès mon arrivée à ce rassemblement. Ma fortune continue jusqu’à ce que, fatigué de ces insultes à mon encontre et à l’encontre de l’Islam et des musulmans, je décide de quitter la place du Capitole et céder à l’intimidation que j’ai subi de certains.

Hommage à Charly Hebdo, place du Capitole - © Patrice  Nin

Hommage à Charly Hebdo, place du Capitole – © Patrice Nin

Le but, décrédibiliser l’Islam et les musulmans, accentuer l’amalgame et l’islamophobie déjà présents depuis quelques tristes évènements qui ont marqué notre génération, est parfaitement atteint. Ces personnes m’ayant insulté se sentaient confortées dans leurs idéologies, protégées par leur entourage et mises en confiance par les gens qui étaient présents.

L’Amalgame, va sortir au grand jour. Avant cela, il était timide et maquillé, mais ça c’était avant.

Il y a un proverbe arabe que j’ai toujours calqué sur plusieurs situations rencontrées dans ma vie de jeune journaliste, arabe, musulman : « le malheur d’un peuple, fait le bonheur d’un autre ». Cet autre est l’inconnu de l’équation, c’est cet autre qui veut provoquer la division, qui souffle sur la braise de l’amalgame laissée par les Merah et Nemmouche, c’est lui qui fait fortune avec les craintes des autres. « L’autre, c’est Lui ».

Ce qui est certain, c’est que personne ne veut se mettre à notre place à l’heure actuelle. Nous musulmans de France, immigrés avec une carte de résidence ou français, victimes « par procuration » de cet attentat abominable ayant fait 12 morts. Cependant, au milieu de cette malheureuse équation, il y a des constantes qui ne changeront jamais. Un schéma immuable qui est à chaque fois le même. Il y a l’ « Avant », l’ « Attentat », et l’ « Après attentat ».
Le premier c’est l’inconnu, on peut le deviner mais nous ne pourrons le citer à cause de la morale, du tabou et de la pensée uniforme instaurée par le rouleau compresseur qu’est le système.
Le second, la variable de l’équation, hier c’était des enfants dans une école privée, aujourd’hui c’est des journalistes. C’est le drame qui nous unit ou nous sépare, tout dépend du point de vue initial de la personne qui se confronte à cette équation. Le troisième, la constante, c’est les conséquences à venir, l’essence de cette opération qui n’avait comme but que de stigmatiser, et salir l’image d’une religion et de ses fidèles. Faire de l’Islam et des musulmans le parfait bouc-émissaire dans cette guerre qui oppose « La Civilisation à la Barbarie ». Dans cette équation seul le poids est variable, mais l’avant et l’après sont des données fixes qui ne changent pas.

Pour finir, moi Naceur Fethi, journaliste indépendant, arabe et de confession musulmane, immigré avec tous les préjugés que je porte sur mon dos, je condamne cette assassinat lâche et abominable qui ne peut être en accord avec la religion que je pratique. Je le condamne fortement sans me sentir obligé de me justifier, ni à donner des explications cherchant à prouver mon innocence. Car pour moi seul un coupable cherche à se justifier.

 

 

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